Amiel croyait qu’il avait raté sa vie. Se marier, faire une œuvre furent ses deux seules ambitions, qu’il ne réalisa jamais. Pendant ce temps proliférait la masse de son Journal intime : 17 000 pages au total ! Poète médiocre, ennuyeux professeur, il enseigna pourtant aux dames et demoiselles de Genève, qui furent ses véritables élèves. Il leur plut. Amiel fut un grand séducteur. Mais un séducteur « pour rien », pour que rien ne se passe, Casanova puritain. Ainsi donc, voici le Professeur Amiel, en la nuit de ses cinquante ans dans sa chambre de l'Hôtel de Vitznau. Dans la chambre voisine, attend celle qu’il appelle Philine et qui lui a posé un ultimatum : ou ils partiront le lendemain pour l’Italie, ou… Amiel rêve de quitter le célibat, le professorat, et Genève. « Dois-je me marier ? le puis-je ? le désiré-je ? » balance le professeur depuis douze ans en pensant à Philine (et à bien d’autres). Les « Amiélines », ainsi que les surnommaient les Genevois, défilent devant lui au long de cette délibération nocturne. Mais voilà : comment faire tenir le Journal intime dans une malle de voyage ? Au matin, Philine est partie.